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ANNUAL SURVEY PAPER

"Le battement d'ailes d'un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ?"
Edward LORENZ (météorologue), 1972
2023

Human-centric : l’effritement des valeurs humaines, le degré élevé de virtualisation impactant la vie professionnelle, la dégradation de la santé mentale… sont autant d’éléments ayant des répercussions sur le vivre-ensemble.

Table des matières

DEGRADATION DE LA SANTE MENTALE

La santé mentale*DéfinitionEtat de bien-être psychique et cognitif qui permet de mener au mieux les différents aspects de la vie. Elle est souvent altérée par un ensemble complexe de pressions et de vulnérabilités d’ordre individuel, social et structurel est un état de bien-être mental qui permet aux personnes de faire face au stress de la vie, d’exploiter au mieux leurs capacités, de bien apprendre, de bien travailler et de contribuer à leur communauté. C’est une composante intégrante de la santé et du bien-être qui sous-tend les capacités individuelles et collectives à prendre des décisions, construire des relations et façonner le monde dans lequel nous vivons1.

Selon l’OMS, plus de 450 millions de personnes souffrent de troubles mentaux et ce chiffre continue d’augmenter, probablement sous l’effet conjugué du stress de la vie moderne, des pressions sociales et économiques, des conflits, des catastrophes naturelles (éco-anxiété) et, plus récemment, de la pandémie de la Covid-19.

Cette dégradation de la santé mentale au niveau mondial est amplifiée par la stigmatisation entourant les troubles mentaux, l’accès limité aux soins et la prévalence croissante des problèmes liés au bien-être émotionnel.

La question de la santé mentale revêt une importance particulière au Maroc : selon l’enquête réalisée conjointement par le Ministère de la Santé et l’OMS, qui date de 2005, 48,9% de la population marocaine présentait au moins un trouble en lien avec la santé mentale, avec une prévalence chez les femmes et les plus jeunes 2.

EFFRITEMENT DES VALEURS HUMAINES

Les rapports humains au sein d’une société sont traditionnellement huilés par le respect de valeurs dites “humaines”*DéfinitionEnsemble de valeurs (respect, acceptation, ouverture, entraide, bienveillance, empathie, ...) qui permettent de bâtir des liens entre les personnes, en touchant leur humanité à travers la nôtre, permettant ainsi un vivre ensemble harmonieux. par opposition à “inhumaines”, telles que la bonté, l’équité, la bienveillance, le respect d’autrui et de sa dignité, la générosité, la compassion, ….

De multiples facteurs paraissent aujourd’hui déshumaniser les relations humaines : les communications en ligne qui peuvent manquer de chaleur et de compassion ; le rythme effréné de la vie moderne qui entraîne des comportements négligents, voire inappropriés ; la technobureaucratie qui montre peu de compassion pour l’administré ; les inégalités socio-économiques, qui suscitent un profond sentiment d’injustice…. Les conflits résultant des compétitions (économiques, sportives ou éducatives) nuisent au partage, à l’entraide et à l’empathie, des éléments pourtant essentiels à une relation efficace et positive entre les individus.

Or, face aux défis à venir comme le changement climatique et la raréfaction des ressources, des relations humaines plus saines seront nécessaires pour construire des sociétés plus solidaires, capables de résister aux tensions qui s’intensifieront.

Bien que le Maroc ait une riche histoire de convivialité et de respect, il n’est pas à l’abri des influences négatives de la déshumanisation mondiale. La prise en compte de ces enjeux devrait permettre de promouvoir des initiatives favorisant l’empathie, le respect et la dignité entre ses citoyens.

INFLUENCE DES RESEAUX SOCIAUX SUR LES JEUNES

L’influence des réseaux sociaux*DéfinitionPlateforme informatique (sites internet ou applications mobiles) qui permet à ses utilisateurs de communiquer, de créer un réseau de connaissances, de suivre l'activité d'autres usagers et d'interagir en temps réel. sur les jeunes fait référence à l’impact que les plateformes comme Facebook, Instagram, Twitter, TikTok et autres ont sur le comportement, les attitudes et le bien-être des jeunes.

L’utilisation des réseaux sociaux par les jeunes est une tendance mondiale qui a augmenté de manière significative au cours de la dernière décennie. Selon une étude de Pew Research Center en 20183, 95% des adolescents aux Etats-Unis ont accès à un smartphone et 45% sont en ligne presque constamment. Les réseaux sociaux sont devenus un aspect central de la vie des jeunes, influençant leur interaction sociale, leur accès à l’information et leur participation à la société.

Si les réseaux sociaux peuvent faciliter l’apprentissage, l’engagement civique et la créativité, ils peuvent aussi contribuer à des problèmes tels que le cyberharcèlement, la désinformation, l’addiction aux écrans et la détérioration de la santé mentale. D’où l’importance de promouvoir une utilisation saine et responsable des réseaux sociaux.

Les jeunes Marocains ne sont pas épargnés par l’utilisation accrue des réseaux sociaux : par exemple, en 2022, 60% des 19 millions d’utilisateurs de Facebook avaient entre 18 et 34 ans4. Il est donc primordial d’encourager un équilibre entre le monde virtuel et le monde réel, pour préserver et favoriser la santé et le bien-être des jeunes générations, pierre angulaire du développement présent et futur du pays.

A ce titre, il serait opportun de concevoir une politique spécifique aux réseaux sociaux, tout en veillant à assurer un équilibre entre la liberté d’expression et la préservation de l’ordre public.

INFLUENCEURS

Les influenceurs*DéfinitionPersonne active sur les réseaux sociaux à travers la création de contenu, ayant une notoriété significative qui lui permet de partager ses opinions, ses activités et ses habitudes de consommation et d'exercer ainsi une influence sur les internautes qui la suivent., souvent des acteurs majeurs du marketing digital, sont des personnes qui, par leur notoriété significative sur les réseaux sociaux, exercent une influence considérable sur leurs abonnés, pouvant affecter leurs opinions, leurs comportements d’achat et leurs tendances de consommation.

Dans le monde entier, le phénomène des influenceurs est en pleine expansion : d’un montant de 1,7 milliard de dollars en 20165, la taille de marché du marketing d’influence a atteint 16,4 milliards de dollars en 2022 et devrait se situer à 21,1 milliards de dollars en 20236, soit une augmentation de 29%.

Bien que les influenceurs puissent avoir des impacts positifs sur les internautes, cette activité suscite des préoccupations grandissantes : normes et comparaisons irréalistes ; promotion du matérialisme et de la consommation excessive ; manque d’authenticité et de transparence ; désinformation et pseudoscience ; manque d’éthique…. Il apparaît donc nécessaire de préserver l’intégrité et l’authenticité du marketing d’influence, aussi bien pour les consommateurs que pour les marques.

Le Maroc est directement touché par cette tendance émergente : 75% des internautes suivent des influenceurs sur les réseaux sociaux7 ; les quelques 60.000 influenceurs marocains (contre 1 400 seulement en 2018) jouent un rôle croissant dans la promotion de marques locales et internationales, pour un chiffre d’affaires de 300 millions d’euros. Les entreprises marocaines ont également commencé à tirer parti de l’influence de ces créateurs de contenu pour atteindre leur public-cible de manière plus efficace.

PLACE DU TRAVAIL

La “place du travail” fait référence à l’importance et au rôle du travail dans la vie des individus et de la société (travail rémunéré et non-rémunéré comme le travail domestique ou le bénévolat). Le travail contribue à l’identité personnelle, à la subsistance économique, à la participation sociale et à la réalisation de soi.

Les changements technologiques, économiques et sociaux ont transformé la nature du travail, avec une augmentation du travail à distance, du travail indépendant et des emplois précaires. Parallèlement, l’évolution du statut de la femme questionne le rôle parfois disproportionné de celle-ci dans le travail non-rémunéré. La place du travail dans la société est donc en pleine évolution, soulevant des questions sur l’équilibre entre le travail et la vie personnelle, l’égalité des sexes, la sécurité de l’emploi et la protection sociale.

Les nouvelles générations (milléniaux, Gen Z, …), près de 30% de main d’œuvre mondiale en 2025, développent de nouvelles aspirations et priorités concernant leur milieu du travail : plus d’humanité, d’empathie, d’inclusivité, d’égalité, de respect aussi, que les employeurs vont devoir prendre en compte pour éviter un turn-over dommageable (guerre des talents).

Créer des emplois décents, valoriser le travail non-rémunéré et garantir le bien-être et l’épanouissement des personnes au travail vont devenir une nécessité.

Le Royaume est d’autant plus confronté à cette question qu’il bénéficie d’une importante population jeune (16,2% de la population totale en 2021 étaient âgés de 15 à 24 ans8) et que son marché du travail s’est transformé avec une augmentation de la part du secteur des services, de l’emploi informel et de la migration.

Le Maroc, qui fait face au chômage des jeunes et aux inégalités de genre dans le travail, devrait saisir l’opportunité de la généralisation de la protection sociale pour assurer l’intégration du secteur informel et réduire considérablement la précarité de l’emploi.

REMISE EN CAUSE DE LA SURCONSOMMATION

La surconsommation*DéfinitionUtilisation ou consommation qui dépasse les ressources renouvelables, entraînant donc des risques de pénuries., définie comme l’acte de consommer au-delà des besoins essentiels, suscite de plus en plus d’inquiétudes à l’échelle mondiale. Face aux impacts environnementaux et sociaux croissants, la remise en question de ce modèle de consommation excessif gagne en importance.

Depuis les lendemains de la Seconde Guerre Mondiale, la surconsommation a engendré une utilisation sans précédent des ressources naturelles, la production massive de déchets et l’émergence de problèmes environnementaux graves, comme le changement climatique, la pollution plastique et la dégradation des écosystèmes. Parallèlement, elle a conduit à l’augmentation des inégalités socio-économiques et de l’endettement des ménages.

Or, reflet de la prise de conscience de l’instabilité de ce modèle, le consommateur est en train de changer : il y a lieu de souligner la montée des exigences et du pouvoir d’agir ainsi que le développement de la responsabilité et de la résistance du consommateur. Des mouvements tels que l’enoughism ou le minimalisme émergent avec un principe clair : vivre avec moins de biens ne signifie pas vivre moins bien.

Avec un niveau d’instruction en amélioration, des compétences et un degré d’exigence qui se sont fortement accrus, le consommateur marocain n’est plus un acteur passif dans ses relations avec la consommation. Le mouvement inédit et très suivi de boycott que le Maroc a connu en 2018 en est l’illustration.

VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION MONDIALE

Le vieillissement de la population mondiale fait référence à l’accroissement de la proportion de personnes âgées, généralement définies comme ayant 65 ans ou plus, dans la population totale. Ce phénomène est principalement dû à l’augmentation de l’espérance de vie et à la diminution des taux de natalité dans de nombreux pays.

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, d’ici 2050, la population de personnes âgées de 60 ans et plus dans le monde aura doublé pour atteindre 2,1 milliards de personnes. Le nombre des personnes âgées de 80 ans et plus devrait, pour sa part, tripler entre 2020 et 2050 pour s’établir à 426 millions.

Le vieillissement de la population offre une problématique complexe. D’une part, il exerce une pression sur les systèmes de santé et de retraite, affecte l’économie et le marché du travail et nécessite des ajustements dans de nombreux domaines, de l’urbanisme à la technologie. D’autre part, il est important de reconnaître et de valoriser la contribution des personnes âgées à la société. À l’avenir, il sera donc crucial de promouvoir un vieillissement actif et en bonne santé et de garantir les droits et le bien-être des personnes âgées.

Au Maroc, selon le Haut-Commissariat au Plan, en 2021, 11,7% de la population totale étaient âgés de 60 ans et plus (près de 4,3 millions de personnes) contre 8% en 2004 (2,4 millions). Selon les projections démographiques du Haut-Commissariat au Plan, “d’ici 2030, l’effectif des personnes dépassant 60 ans serait d’un peu plus de 6 millions, soit une augmentation de 42% par rapport à 2021 et représenterait 15,4% de la population9..

Evolution de la part des 60 ans et plus dans la population
(Source : Nations Unies, Population Division)

Références

  1. World Health Organization. “Fact sheets: mental health”. World Health Organization website, July 27, 2022. www.who.int/en.
  2. F. Asouab, M. Agoub, N. Kadri, D. Moussaoui, S. Rachidi, M.A. Tazi, J. Toufiq, et N. Chaouki. “Prévalences des troubles mentaux dans la population générale marocaine (Enquête nationale, 2005)’’. ISSN 0851 8238, Bulletin épidémiologique année 2005.
  3. M. Anderson and J. Jiang. “Teens, Social Media & Technology 2018”. Pew Research Center website, May 31, 2018.
  4. Saifaddin Galal. “Social media in Morocco – statistics & facts”. Statista. Juin 2023.
  5. Gaudiaut Tristan. “Marketing d’influence : un marché en pleine croissance”. Statista. Aout 2022.
  6. Werner Geyser. “The State of Influencer Marketing 2023: Benchmark Report”. Influencer Marketing Hub website, February, 2023.
  7. DigitrendZ. “Moroccan Digital Trends”. 2020.
  8. Haut-Commissariat au Plan. Note d’information à l’occasion de la journée Internationale de la jeunesse du 12 Aout 2022.
  9. World Health Organization. Fact sheets: “Ageing and health”. World Health Organization website. October 2022. www. who.int/en.